Les Espoirs nés de la Conférence africaine de Brazzaville
Pierre Kipré
Le congrès de Bamako
ou la naissance du RDA
Paris. Editions Chaka. 1962. 190 p.
Coll. “Afrique Contemporaine” dirigée par Ibrahima Baba Kaké
Les Espoirs nés de la Conférence africaine de Brazzaville
Regardée par les uns comme le véritable point de départ d’une nouvelle phase de la colonisation française en Afrique, considérée par les autres comme un de ces mythes enchanteurs sous lesquels l’on cache la réalité cruelle de la domination coloniale, la « Conférence africaine françajse » de Brazzaville est un de ces sujets de controverses où la passion se mêle d’être scientifique. A travers ses principaux résultats et les mesures pratiques qu’elle inspire, entre la fin de la Conférence et la promulgation de la Constitution de la IVe République, on ne peut pas nier que la Conférence de Brazzaville soit celle des Conférences impériales qui a le plus grand retentissement, suscité le plus d’espoirs chez les colonisés, provoqué les plus grandes réticences, sinon les oppositions les plus farouches chez les colons d’Afrique.
Les résultats généraux de la Conférence africaine de Brazzaville et leur application de 1944 à 1946
La Conférence se tient du 30 Janvier au 8 Février 1944, au Cercle Civil de Brazzaville, attenant à l’Institut Pasteur de la capitale de l’AEF. Ce n’est pas la première Conférence du genre sur l’état de l’Empire.
Ainsi, avant 1944, se sont tenues à Paris :
- la Conférence coloniale de 1917
- la Conférence economique de la France métropolitaine et d’Outre-mer en 1934
- la Conférence impériale de 1935
- la Conférence des Gouverneurs Généraux convoquée au début du Front Populaire en 1936.
Pendant la guerre, à l’initiative du gouvernement de Vichy, une Conférence est projetée en 1943 pour réfléchir sur l’avenir de l’Empire colonial d’après-guerre ; elle ne se tint pas.
La Conférence de Brazzaville s’inscrit donc dans une « tradition » de « rencontres impériales ». Mais à la différence des précédentes, cette rencontre se tient pour la première fois en Afrique, dans une des colonies françaises. D’où le qualificatif d’« africain ». Ce n’est certes pas de propos délibéré ; car occupée et divisée entre « collaborateurs » et « résistants », la métropole se prête mal à la tenue d’une Conférence initiée par le C.F.L.N. (Comité Français de Libération Nationale).
Pourtant, le choix fortuit de Brazzaville est un symbole ; celui des Colonies d’Afrique Noire comme dernière base du pouvoir politique de la France Libre. Les années 1940-1941 l’avaient largement montré.
Cette Conférence diffère aussi des autres par la composition des participants. Pas plus que les autres, il n’est question d’une participation des colonisés. Mais on tend aujourd’hui, à tort, à en faire une Conférence d’administrateurs seulement, donc une simple rencontre de techniciens de la colonisation. C’est trop peu ; car, outre l’invitation lancée aux différents Gouverneurs Généraux des sous-ensembles coloniaux constituant l’Empire, les gouverneurs des colonies et les principaux hauts-fonctionnaires de l’Administration coloniale disponibles furent conviés. Cest la première fois. A côté de ces techniciens de la colonisation et hommes de terrain, le monde de la politique et même du syndicalisme est représenté ès-qualités. Ainsi sont présents :
- Félix Gouin, député et Président de l’Assemblée consultative Provisoire
- Marc Rucart, représentant du Parti radical-Social Jules Moch, représentant la S.F.I.O.
- Roger Seignon, délégué de l’AEF à l’Assemblée consultative Provisoire
- Ernest Bissagnet, délégué de l’AOF
- J.J. Guillery, délégué du Cameroun
- Roger Mistral, délégué de La Résistance
- deux syndicalistes, M. Poimboeuf (C.F.T.C.) et A Gazier (C.G.T)
Ainsi la Conférence de Brazzaville combine à la fois le style politique de la Conférence impériale de 1917 avec celui plus « technocratique » de la Conférence des Gouverneurs Généraux de 1936. A un moment où la politisation de toute action est extrême et, en même temps, faisant suite au tour plus technique que le Gouvernement de Vichy voulait naguère donner â l’analyse des problèmes coloniaux, il était astucieux d’impliquer un large éventail de compétences. Car les problèmes à résoudre étaient d’importance capitale pour l’avenir immédiat de la Résistance française et pour le rang de la France d’après-guerre.
C’est par une déclaration du 10 Octobre 1943 que R. Pleven, Commissaire aux colonies du CFLN, annonce la tenue prochaine de cette Conférence. Une circulaire puis une grande tournée d’information dans plusieurs colonies en confirment les thèmes majeurs : politique indigène, politique économique, organisation administrative et politique de l’Empire, représentation des colonies dans la future constitution française.
Ce sont là des thèmes d’une actualité brûlante pour trois raisons.
D’abord, les menées américaines au Maroc et en Tunisie en 1943 laissent clairement supposer que l’état de guerre peut être l’occasion de voir se développer, avec l’appui secret des Etats-Unis, des tendances indépendantistes plus favorables à l’expansion économique américaine.
Ensuite, les sacrifices exigés des colonies, au moment même où la Résistance française définit cette guerre comme un conflit mondial pour la liberté, font que dans l’après-guerre tout ou presque ne peul plus être comme avant.
Enfin, malgré les revers que commence à connaître l’Allemagne, malgré les défections de plus en plus nombreuses dans le camp de Vichy, le CFLN et son président, le Général de Gaulle, doivent apparaître comme la seule force de rassemblement d’une France écartelée. D’apparaître comme maître de l’Empire, donc capable de mobiliser des forces toujours renouvelées, est un impératif majeur pour le CFLN et De Gaulle. Aussi s’explique, à l’ouverture de la Conférence, la présence d’observateurs étrangers :
- le Gouverneur Général du Congo Belge, Ryckmans
- le Consul Général de Grande-Bretagne, Bullok
- le Consul des Etats-Unis, Mann
- le consul de Pologne, Kanski
Ce sont des témoins d’une France impériale qui se reconstitue et se renforce. Les enjeux généraux sont clairs et rejoignent les préoccupations de ceux qui, même à Vichy, estiment que le statu quo d’avant-guerre doit être abandonné. Mais, au-delà de ces préoccupations, les approches du problème colonial étaient divergentes, au moins dans la forme.
Pour le commissaire aux colonies R. Pleven, « L’Afrique, si elle est un réservoir de matières premières et de richesses naturelles, est d’abord le gîte et l’habitat d’une race dont nous voulons assurer l’ascension vers un niveau de vie et une morale supérieurs ».
Pour H. Laurentie, alors directeur des Affaires politiques au Commissariat aux colonies, « ce que la France veut en Afrique, c’est que les indigènes tirent parti de tout ce qui leur appartient, dans toute la mesure où la nature le permet, dans toute la mesure où celle nature peut être perfectionnée dans leur intérêt ».
Pour le Général de Gaulle enfin… et comme il l’exprime à l’ouverture de la Conférence :
« Mais en Afrique Française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès, qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas, moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux a la gestion de leurs propres affaires. »
Si les nuances sont nombreuses entre ces positions — tout le monde pan de l’idée d’une mission civilisatrice de la France — nul n’a songé à faire participer les colonisés aux débats sur leur avenir ; nul ne songe à ouvrir les vannes d’une réforme qui aboutirait à la perte d’une quelconque colonie.
Nul n’a le temps ou l’envie de s’informer de ce que souhaitent quelques rares « évolués » africains auteurs (Fily Dabo Sissoko du Soudan par exemple, les membres du Cercle des Evolués de Brazzaville, etc) des six mémoires envoyés à la Conférence. Les résultats de la Conférence sont donc ceux de discussions ct de compromis entre Français investis d’une parcelle du pouvoir de décision en la matière. Quels sont ces résultats ?
Sous la forme de recommandations sur les quatre principaux thèmes de la Conférence, diverses propositions sont avancées à Brazzaville. Plus que le détail de ces propositions, c’est l’affirmation de divers principes de politique coloniale qui nous intéresse ici. Sous ce rapport et dès le 6 Février 1944, des recommandations sur l’organisation politique de l’Empire et des colonies. D’abord c’est le principe de la représentation des colonies au plus haut niveau des instances soit délibératives (Assemblées représentatives de chaque colonie, Conseils régionaux, Assemblée constituante de la République) soit consultatives (Assemblée fédérale ou « Parlement colonial » qui servirait de « Conseiller » au Parlement et au Gouvernement français pour toutes les questions coloniales).
C’est ensuite le principe d’une évolution administrative qui débouche sur une véritable personnalité territoriale et une participation active des colonisés à la gestion de la chose publique.
Dans l’ordre social, tout aussi sensible à chaque colonisé, promesse est faite de supprimer le code de l’indigénat, de promouvoir l’accès libre à tous les postes d’exécution, la liberté du travail, une formation plus large d’agents d’exécution, un encadrement sanitaire plus efficace. Mais ici, les principes de la liberté individuelle et du droit à la promotion sont biaisés pour tenir compte d’habitudes trop ancrées dans les mentalités coloniales ; les libertés à accorder au colonisé ne sont valables qu’autant qu’elles ne mettent pas en péril les privilèges du citoyen français ; il faut donc être prudent et procéder par étape.
Dans le domaine économique, les recommandations mettent en lumière les progrès accomplis par les idées des « technocrates modernistes » des années 1930 (par exemple l’inspecteur des Finances Edmond Giscard) et la pression des milieux d’affaires acquis à l’idée d’une ouverture des colonies à tous les partenaires potentiels.
Ainsi, malgré le flou des propositions concrètes, trois idées maîtresses ont guidé les participants.
D’abord, rompre avec le système déguisé du « pacte colonial » ou « préférence impériale ». A Vichy en mars 1943, un des notables du monde des affaires de l’époque, Edmond du Vivier de Streel, disait à ce propos :
« … La formule du statu quo intégral était, avant-guerre, défendue encore par la France, mais rejetée ou abandonnée par tous les peuples, y compris l’Angleterre dont les hommes d’ Etat… ont admis … qu’il convenait d’instituer un régime colonial qui facilite l’accès des matières premières coloniales à tous les Etats … Quelle que soit l’ issue de la guerre, on peut donc être certain que des dispositions seront prévues dans les traités pour donner satisfaction aux prétentions exprimées à cet égard ».
Ensuite, second principe retenu et c’est un langage assez neuf dans les cercles officiels, l’amorce d’une industrialisation des colonies
Cette idée était jusque-là refusée ; car les colonies ne doivent pas être autre chose que des marchés pour l’industrie métropolitaine.
Gagnés au principe de l’industrialisation des colonies, ne serait-ce que pour des raisons stratégiques comme l’a rendu nécessaire l’occupation allemande, le Gouverneur Laurentie et le Gouverneur Général Eboué paraissent avoir eu ici une grande influence sur les membres de la Commission économique de la Conférence.
Enfin, outre le rappel d’ une politique agricole plus efficiente comme en 1937, en plus de la nécessité d’améliorer l’infrastructure de communications, le principe d’une planification de l’effort de l’Etat en faveur du développement économique des colonies est retenu. L’originalité de celle planification réside dans le fait qu’elle doit intégrer à ses préoccupations la mise en oeuvre d’une politique de recherches adaptée aux besoins des colonies. Il est ainsi proposé la création d’un Institut de recherches agronomiques en Afrique Noire pour tenir compte de la vocation éminemment agricole de ces colonies.
Au total, un corps de recommandations qui, bien que jugé timide aujourd’hui, rompait avec plusieurs des principes de la politique coloniale d’avant 1939, ou bien en précisait un peu plus la conception.
Mais, ces recommandations sont, avant tout, un canevas d’ensemble qui n’engage pas impérativement chacun des participants ; pas même les Gouverneurs à la bonne diligence de qui est laissée l’application éventuelle et progressive de ces propositions. Certains les oublieront, une fois partis de Brazzaville. D’autres temporiseront.
Quelques rares, comme le Gouverneur Latrille en Côte d’Ivoire, voudront immédiatement les traduire dans les faits ; ou au moins s’en inspirer au quotidien, soit pour tenir la balance égale entre les colons et les colonisés, soit pour accorder à ces derniers la protection nécessaire de l’Administration.
Au sommet de l’Etat, ce n’est pas l’enthousiasme chez tous. Le Général de Gaulle, président du C.F.L.N. devenu après « Gouvernement Provisoire » de la France, veut tenir quelques-unes des promesses faites à Brazzaville. Au sein de l’Assemblée Consultative Provisoire d’Alger, les réticences sont nombreuses mais discrètes. Gaston Monnerville, alors président de la commission des colonies dans cette Assemblée, le rapporte dans une déclaration au journal Paris-Dakar en Mars 1945 : « On sent une hostilité sourde s’opposant à l’application des principes énoncés lors de la Conférence de Brazzaville ». Ce n’était pas la seule instance en retrait sur « les hommes de Brazzaville ». L.S. Senghor et Sourou Migan Apithy, désignés en Février 1945 comme experts auprès de la Commission Monnerville chargée de la question de la représentation des colonies, découvrent « avec stupéfaction » que « la plupart des services du Ministère des colonies ne semblent pas avoir entendu parler de la Conférence de Brazzaville »
Malgré tout, deux mesures principales procèdent en droite ligne de l’esprit de Brazzaville. La première est un décret instituant la liberté syndicale dans les colonies d’Afrique Noire. L’ancien médecin Félix Houphouët-Boigny, alors chef de canton et grand propriétaire terrien, en profite pour créer, avec un petit groupe d’autres planteurs, un syndicat agricole africain regroupant tous les planteurs africains de la colonie, le 10 juillet 1944.
La seconde mesure est l’ordonnance du 22 août 1945 organisant des élections législatives dans les colonies d’Afrique Noire. C’étaient les premières pour presque toutes, à l’exception du Sénégal.
Ces deux mesures contribuent très vite à voir l’éclosion d’ une vie politique organisée et nouvelle dans les colonies. Plus rapidement que ne l’avaient pensé les autorités coloniales, c’est avec beaucoup de sérieux et de ferveur que les colonisés s’intéressent au débat politique public. Ils avaient beaucoup. à dire. Ils ont beaucoup d’espoirs en ces années cruciales.
Les espoirs de l’élite africaine en 1944-46
L’une des principales conséquences des quarante premières années de colonisation est la transformation progressive des structures sociales dans chacun des peuples négro-africains. Le phénomène est sensible en Afrique Noire française dans les années 1940. Si on ne peut pas parler encore de classes sociales constituées, on peut identifier des catégories distinctes malgré la commune domination coloniale. C’est l’effet de la généralisation du salariat, de l’agriculture spéculative, de l’école française, de l’urbanisation plus rapide de ces espaces; ces facteurs se surimposent très souvent à ceux, propres, des sociétés africaines précoloniales pour mettre en lumière un éventail assez large de groupes.
A travers ces sociétés africaines coloniales on a, au bas de l’échelle et avec des nuances diverses selon les pays, le petit peuple des campagnes et des villes ; il est fait de marginaux sociaux (prostitués, voleurs, vagabonds), de gagne-petit surexploités (manoeuvres, petits exploitants agricoles ou petits agents de l’Administration ou du Commerce) qui souvent alimentent les courants de migrations saisonnières ou définitives entre les territoires (navétanes de Sénégambie; manoeuvres voltaïques, petits cultivateurs ou éleveurs de la vallée du Niger, etc).
Au sommet, et souvent proche du colonat français, soit par le talent, soit par la richesse, soit même par l’exercice d’une certaine autorité sur le petit peuple (les chefs de canton, de province), on a l’élite sociale. Elle n’est pas homogène. Elle est multiforme dans sa composition réelle et son appréciation de l’évolution vers une certaine assimilation au monde du colonisateur français.
Elle n’est pas imposante par le nombre de ses membres ; sinon, ce ne serait plus une élite. Aussi, à Brazzaville, pour traduire l’une des idées du Gouverneur Général Eboué, a-t-on voulu la définir comme la partie de la « population indigène » susceptible de favoriser le progrès et capable d’aider à la gestion des colonies. Elle même se veut consciente de ce rôle éminent. Mais combien sont ces membres de « l’élite indigène » ?
En AEF dès 1944. Eboué veut délivrer des brevets de notabilité ! Il nomme ainsi 98 notables dès cette année ! C’est ridicule et sans lien avec la réalité sociale. Les ordonnances de 1945 sur les élections dans les colonies arrêtent des critères d’excellence pour faire partie du corps électoral du 2e collège. Elles donnent un ordre de grandeur de cette élite. Par exemple pour l’ensemble de l’AOF (y compris le Togo), on a 118.030 personnes ; au Cameroun, ce sont 38.976 personnes sur près de 3 millions de « sujets » ; en AE.F., 7 1.000 inscrits.
Mais le nombre ici importe moins que la capacité d’action, de mobilisation et d’expression des espoirs. Plus informée des mutations en cours et ayant les moyens d’exprimer ses idées, l’élite africaine est cette partie de la société africaine qui prend en charge, dès 1944, le parti de dire ses espoirs et ceux du petit peuple exploité ; elle prend aussi le parti d’organiser de plus en plus systématiquement les revendications des colonisés. Pour certains, cette lutte sera limitée aux seules réformes du système; pour d’autres, la lutte est anticoloniale, c’est-à-dire une lutte contre le système lui-même.
Entre 1944 et 1946, quels sont quelques-uns des thèmes développés par l’élite africaine ?
lI faut distinguer entre les prises de positions ponctuelles, sur des questions opportunes, et les choix d’ensemble ; ces derniers généralement sont difficiles à analyser à cause de l’absence de cadres officiels de discussions avant l’installation des Assemblées territoriales ou Conseils généraux.
Avant la guerre, seul le Sénégal surtout offre prise à une telle analyse ; ce territoire avait, en 1939, des sections de partis métropolitains souvent liés à la personnalité d’un homme :
- Parti Républicain Socialiste de Blaise Diagne
- Parti Radical Socialiste avec Marsat
- Parti Socialiste Indépendant avec Sabourault
- SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) avec Lamine Guèye, etc)
Il avait onze journaux d’opinion au moins :
- L’AOF
- Le Petit Sénégalais
- Réveil
- Clarté
- Paris-Dakar
- L’indépendant colonial, etc.
Madagascar aussi avait connu, à moindre échelle, le même phénomène avec, entre autres, la création de la première section du P.C.F. en Afrique, le P.C.R.M. (Parti Communiste de la Région de Madagascar) de 1936-1938 ; avec sa presse d’opinion des années 1930 :
- L’Opinion
- L’Aurore Malgache
- La Nation Malgache
- Le Prolétariat Malgache, etc.
Mais, partout ailleurs, c’est surtout l’associationnisme qui prévaut jusqu’en 1946. Associations d’entraide mutuelle, elles sont essentiellement urbaines. C’est là que l’on peut entendre la voix des « élites indigènes ». Le propos y est de plus en plus raffermi par le souvenir d’une domination plus pesante encore pendant la guerre et, à partir de 1944, par « l’esprit de Brazzaville » dans l’Administration.
Elles se multiplient partout, aussi rapidement que les syndicats dont la création est favorisée par le décret d’Août 1944.
Entre 1944 et 1946, c’est un véritable engouement pour les associations de toute nature. Et, avant même que ne soit accordée la liberté d’expression, les associations urbaines sont des cercles de discussion politique. Certaines, comme les sous-comités urbains du C.E.F.A (Comité d’Etudes Franco-Africain) implantés presque partout en AOF ou comme les G.E.C. (Groupes d’Etudes Communistes) présents dans la plupart des colonies d’Afrique Noire en 1944-1945, affichent déjà ouvertement leur nature politique.
Plusieurs futurs leaders Africains font leur apprentissage et acquièrent assidûment les rudiments de l’analyse politique dans ces cercles. Nous l’exposerons plus avant. Pour l’heure, on peut constater avec André Gide à cette époque :
« Nous comprenons aujourd’hui que ces méprisés d’hier ont peut-être aussi quelque chose à nous dire ; qu’il n’y a pas seulement à chercher à les instruire mais encore à les écouter ».
Et leur propos se fait de plus en plus clair, mais aussi, sur des thèmes et avec des accents parfois contradictoires. En effet, du Sénégal au Congo, de Yaoundé à Tananarive, « l’élite indigène » souhaite que la Métropole donne aux colonisés les moyens et les opportunités d’être « plus civilisés ».
Il faut entendre par là une alphabétisation et une formation scientifique plus systématique ; plus d’écoles, de dispensaires et de routes pour les colonisés.
Ici, ces « évolués » sont rejoints par la partie du colonat la plus « progressiste », au moins depuis le Front Populaire. Mais « être plus civilisé » signifie-t-il « devenir l’égal du colonisateur », « devenir français », « s’assimiler au colonisateur » ? On touche ici aux positions contraires. Dans son discours inaugural des « Etats Généraux de la Colonisation » à Paris le 30 Juillet 1946, Jean Rose déclarait :
«… Ce n’est pas d’un trait de plume que l’on peut faire de millions d’êtres, incultes tout à fait, des citoyens conscients et organisés. Et d’ailleurs en agissant ainsi on heurte la compréhension d’un grand nombre d’authentiques évolués qui savent toute la peine qu’ils ont eue à devenir des citoyens français et tout le mérite qu ‘ils attachent à leur titre … »
De fait, pour certains Africains de l’époque et c’est une frange de l’élite engagée dans l’Administration (fonctionnaires du cadre supérieur indigène) ou dans les activités liées à l’économie de traite (agents des maisons de commerce européennes, grands planteurs passés par l’Administration), il faut pouvoir obtenir l’égalité des droits avec les citoyens français, si possible en devenant soi-même citoyen français.
Les nombreuses restrictions apportées à l’octroi de la citoyenneté sont telles que ce doit être une promotion méritée pour les uns et une simple aspiration pour les autres. Dans les années 1930, la plupart des revendications tournent autour de ces idées. En 1944-1945 on se prend à rêver d’une « plus grande France » où toute l’élite africaine possède la citoyenneté. Pendant la guerre, le loyalisme de l’élite, le parti pris de s’engager au côté de la Résistance gaulliste « pour libérer la Mère-patrie », les propos du Général de Gaulle surla reconnaissance de la France confirment l’espoir d’une assimilation chez cette élite.
Cinq des mémoires transmis à Brazzaville en 1944 témoignent de cet esprit.
Fily Dabo Sissoko
Pour d’autres, et ils sont moins nombreux qu’on ne le croit, on peut être un colonisé loyal tout en refusant de « s’assimiler ». Celui qui, à l’époque, a le mieux exprimé cette position est Fily Dabo Sissoko. Instituteur (de 1914 à 1933) devenu chef du canton de Niambia au Soudan (depuis 1933), c’est un homme d’une haute culture. Ses critiques contre les effets dissolvants de la culture française en Afrique Noire sont anciennes. Elles lui ont valu plusieurs affectations disciplinaires avant 1933.
Fily Dabo Cissoko (1900-1964)
En 1944, avant la tenue de la Conférence de Brazzaville, il a envoyé un mémoire dans lequel il expose ses idées. Il s’oppose à ce que l’évolution nécessaire du système colonial débouche pour les Africains sur la perte de leur personnalité et de leur culture.
Note. En 1961, le régime de Modibo Keita accusa Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko de participation à un complot contre la sûreté de l’Etat. Les deux hommes furent arrêtés et transférés au bagne sec de Kidal, ville septentrionale du pays. Ils y disparurent en 1964.
Après le coup d’Etat militaire de 1968, le gouvernement du Lieutenant Moussa Traoré emprisonna Modibo Keita dans la même prison jusqu’à sa mort en 1977. Lire In Memoriam Fily Dabo Sissoko (1900-1924) — Tierno S. Bah]
Le jeune agrégé Sénégalais, Léopold S. Senghor, ne dit pas autre chose à l’époque lorsqu’ ils ‘en prend à la politique d’assimilation. Mais c’est là un débat trop général et trop intellectuel pour beaucoup.
La question est simple pour ceux-là : Les colons doivent-ils continuer ou non à traiter les colonisés comme des sous-hommes, surtout après une guerre dont eux-mêmes disent que c’est une guerre pour la dignité et la liberté ? Pour ceux-là, dont des gens comme F. Houphouët-Boigny ou le Camerounais Ruben Um Nyobé, la réponse est évidente : Il faut respecter la dignité des Africains. Rappelant en 1949 son engagement dans le mouvement « Jeunesse Camerounaise Française » (Jeu cafra), en 1939 Um Nyobé écrit :
« Ce mouvement, auquel les masses camerounaises adhèrent avec enthousiasme, offrait pour nous un intérêt différent de celui escompté par les colonialistes. Pour nous il se présentait comme la meilleure occasion d’affirmer publiquement que nous étions pour la liberté et contre le totalitarisme, et par conséquent nous manifestions notre attachement à la France contre le retour sous une administration allemande hitlérienne ».
Houphouët-Boigny pour sa part était sceptique en 1937, puis en 1944 et 1945, sur la possibilité de voir des colons défendre les intérêts et positions des Africains ; il fallait se regrouper entre Africains pour défendre ses intérêts, au besoin contre les colons, par tous les moyens légaux promis à Brazzaville. Pour lui, l’assimilation est « l’alliance du cavalier et de sa monture, les Africains restant toujours les pauvres chevaux ». Elle n’est pas envisageable.
Plus radicaux encore dans leurs espoirs, les membres de la société secrète « Jiny » de Madagascar, fondée au début de 1944 par Monja Jaona et Edmond Ravelonahima. Recrutant de jeunes paysans au début elle s’ouvre très vite aux notables ruraux et à l’élite intellectuelle dès 1945 pour devenir la « Jina », véritable bras armé du « Mouvement Démocratique pour la Rénovation Malgache » (M.D.R.M.) fondé en Février 1946 à Paris. Pour cette élite sociale qui prend appui sur le petit peuple et prend en charge les intérêts de celui-ci dès le départ, il s’agit de « former idéologiquement les jeunes, surtout les jeunes paysans des concessions coloniales, les organiser et les entraîner â la lutte politique » contre la colonisation.
Il s’agit, à court ou moyen terme, de recouvrer l’indépendance de la nation malgache, fût-ce par la force. Le discours intégrateur de De Gaulle est ici largement dépassé.
Ainsi, du rêve d’une assimilation parfaite à celui d’une rupture d’avec la métropole, les prises de position sont variées au sein de l’élite africaine de ce temps. Reste cependant la question de la défense des droits de la société africaine. Ici, rares sont les divergences au sein de cette catégorie sociale.
En dehors de la plupart des chefs de canton ou de province qui y voient une contradiction avec leurs intérêts, tous ou presque ne dissocient pas encore, en 1944-1946, leurs aspirations avec celles du petit peuple des campagnes et des villes. Au contraire, l’égal mépris dans lequel les colons tiennent tous les colonisés est un ciment, certes fragile, mais immédiatement utilisé. Malgré quelques notes discordantes lors de la publication de l’ordonnance du 22 Août 1945 sur les élections, toute l’élite dénonce la non-application du suffrage universel dans les colonies.
Mais déjà, une partie du rêve se fait réalité. Les colonisés pourront élire leurs députés pour la Première Constituante ; ils y feront entendre leur voix. C’est une voix bien faible en 1945 et 1946 ; car, pour toutes les colonies d’Afrique Noire et dans une Assemblée Constituante de 578 membres, on compte seulement 20 députés d’Afrique Noire. C’est plus que rien pour profiter de « l ‘esprit de Brazzaville », s’attaquer aux aspects les plus révoltants du système colonial. C’est trop peu pour l’emporter sur la résistance des colons et apaiser les craintes des masses africaines.
La résistance du « parti colonial » et les craintes des masses africaines en 1946
«… En Afrique du Nord, des papillons sont apposés sur les murs des fermes des colons: « la valise ou Je cercueil ». En Afrique Noire et à Madagascar, pour le moment, on nous invite seulement à prendre la valise, mais demain, on nous offrira le cercueiL Voilà où deux ans d’abandon et de reniements successifs nous ont conduits alors qu’un peu de psychologie, jointe à un minimum d’autorité, aurait permis de conserver à la France un Empire sain économiquement et politiquement ».
Ainsi s’exprime Jean Rose aux « Etats Généraux de la colonisation » à Paris, en Août 1946. Le ton est donné dans ce qui fut la manifestation la plus efficace de la résistance du « parti colonial » à cette époque. En fait, cette résistance s’amorce dès 1944 un peu partout, au lendemain de la Conférence de Brazzaville, pour s’organiser au cours de l’année suivante.
Quels sont ses thèmes et ses méthodes ?
Dans les colonies d’AEF, où la résistance « gaulliste » a pris ses premiers quartiers, comme en AOF, la réaction du « parti colonial » s’ordonne presque au même moment. Ici comme là, les années 1940-1943 correspondent à une période d’avantages exorbitants au plan surtout économique.
On tire prétexte de l’effort de guerre auquel doivent participer les Africains pour renforcer les dispositions du code du travail indigène (recrutement plus massif de travailleurs pour les plantations européennes, prestations plus fréquentes) et pour fausser le jeu de la rémunération des productions africaines ;
les prix sont artificiellement bas, même pour les produits stratégiques comme le caoutchouc ;
ils sont différents selon qu’il s’agisse de colons ou de producteurs africains ;
des ristournes diverses sont accordées aux colons, même pour des produits non vendus comme la banane au Cameroun ou le cacao en Côte d’Ivoire.
Sur un autre chapitre, celui de la politique, il y a peu de différence entre l’AEF et l’AOF. En AEF (y compris le Cameroun), De Gaulle entretient auprès du colonat l’idée d’une défense de l’Empire et de son intégrité. Le fait est manifeste au Cameroun où existent des groupes d’Africains accusés d’être germanophiles (par exemple l’association culturelle Bund der Freunde en 1941) donc anti-français. Dans le même temps, les sacrifices consentis par la majorité des Camerounais lui font déclarer en Septembre 1942 à ces derniers comme le rappelle justement le politologue américain Joseph Richard : « Dans l’Empire reconstitué, l’avenir du Cameroun apparaît riche des plus beaux espoirs ».
Ici comme ailleurs en AEF, les espérances contradictoires nées avant 1944 s’effritent très vite du côté des colons; surtout lorsque la Conférence de Brazzaville permet de s’apercevoir que rien ne sera, plus comme avant. Dans son étude récente sur Le mouvement nationaliste au Cameroun (Karthala, 1986) décrivant précisément cette « peur » qui s’empare des colons français dès 1944, Joseph Richard écrit fort justement : « Le vent du changement commençait à souffier sur les colonies françaises d’Afrique. Les colons du Cameroun craignaient que ces vents dispersent les bénéfices qu’ils avaient tirés de la guerre … »
Du gaullisme de guerre, les colons d’AEF vont passer à un anti-gaullisme d’après-guerre qui, à travers des associations comme l’ASCOCAM (Association des colons du Cameroun), s’organisent au début de 1945. En AOF, la majorité des colons est pétainiste jusqu’en 1943. Le ralliement à la résistance à la fin de 1943 est de façade généralement. Il faut donc, jusqu’à ce que prenne fin le climat de «chasse aux pétainistes», être plus discret dans la critique des idées gaullistes. Mais celà dure peu de temps ; et l’évolution de la politique coloniale au cours de l’année 1944 donne ici plus d’inquiétude encore. Il faut, se disent les colons, réagir au plus tôt.
Ainsi, en Côte d’Ivoire d’abord, puis dans d’autres colonies du groupe, s’organisent des associations de colons au cours de 1945.
Ici comme en AEF, la Conférence de Brazzaville, l’application des premières mesures inspirées par cette rencontre telles l’autorisation de syndicats africains en Août 1944, le code du travail indigène du 18 Juin 1945 et l’ordonnance sur les élections, ont pour effet de cristalliser cette opposition dans toutes les colonies des deux fédérations.
A l’initiative de Jean Rose, président de l’Association des colons de Côte d’hoire et président de la Confédération des Associations Agricoles et Industrielles de l’Afrique française, et de Pasque, président de l’Association des Colons de l’AEF, sont convoqués « Les Etats Généraux de la Colonisation fran çaise» à Douala pour le 2 Septembre 1945, soit à deux mois des élections pour la Première Constituante. Il s’agit, selon Jean Rose qui l’annonce au début de Juillet 1945, « de présenter aux Pouvoirs publics un programme de réformes économiques, sociales et politiques qui don ne à la fois satisfaction aux Européens et aux indigènes ».
Qui sont ces colons qui entendent donner la réplique aux participants de la Conférence de Brazzaville ?
La définition de membres de l’ASCOCAM que rapporte Joseph Richard dans son étude est valable pour tous ; même si, hormis le devoir de réserve, plusieurs administrateurs adhèrent en fait à leurs idées comme le prouve en 1946 l’appui de l’Administration lors de la préparation des assises de Paris.
« Sont colons, toutes les citoyennes et citoyens français, non africains, travaillant personnellement à la Colonie, sous la seule réserve qu’ils ne soient pas salariés par l’Etat. Sont provisoirement exclus, tous les autochtones, même citoyens français. Les étrangers peuvent faire partie de l’Association ».
Que veulent-ils en 1945 et 1946 ?
A Douala, du 2 au 8 septembre 1945, le principal résultat de cette rencontre est politique. Il s’agit de rien moins que de faire accorder son autonomie à chaque colonie placée sous la coupe directe des colons à travers une « Chambre de représentants » élus ; celle-ci contrôle aussi l’administration locale désignée par le Ministère des colonies. C’est le modèle d’organisation britannique en Rhodésie du Sud à cette époque.
Après cette rencontre où Jean Rose s’affirme comme le chef de file de la résistance des colons — il est élu même président de la « Ligue Française des coloniaux » —, une seconde rencontre est projetée pour 1946. Avant celle-ci et pour faire pièce à la montée du mouvement de contestation des colonisés, on tente de faire élire des députés à la solde du colonat. Dans certains cas, l’on y parvient. Dans d’autres territoires, comme par exemple en Côte d’Ivoire (Houphouët-Boigny) ou à Madagascar (Raseta et Ravoahangy), ce sont les pires ennemis du colonat de l’époque qui l’emportent.
La vague de réformes et de lois que font adopter les députés africains avec la complicité de certains de leurs alliés français (le P.C.F. par exemple), et cela malgré la présence de leurs représentants (les députés du 1er collège électoral), rend nécessaires et urgentes de nouvelles assises. Prévus initialement pour se tenir à Abidjan, les seconds « Etats Généraux de la colonisation française en Afrique Noire » se déroulent à Paris du 30 Juillet au 24 Août 1946.
Soutenus par une intense campagne de presse, la multiplication de libelles et la publication de deux manifestes (Manifeste colonial du 1er Juin et Manifeste du 13 Juillet), ces Etats Généraux de la colonisation se fixent pour but, selon Jean Rose,
« de joindre leurs voix à celles qui, en France, se sont élevées pour tenter de sauver l’Empire menac… Si l’on persiste, en haut lieu, à ne vouloir tenir aucun compte des mises en garde que nous avons lancées, de celles que nous lancerons encore à l’issue de ce congrès, j’en concluerai que l’abandon de l’Empire a bien été décidé par nos hommes politiques et que le mal est sans remède … »
Intervenant peu après le rejet du premier projet de constitution et en pleine campagne électorale pour la deuxième Constituante (Juin 1946) et lors de la préparation du second projet de constitution, ces assises se tiennent au meilleur moment pour emporter l’adhésion de J’opinion publique métropolitaine. Ces « Etats Généraux » précisent davantage les propositions faites à Douala.
« Nul ne désire plus que les colons voir évoluer les autochtones des territoires d’Outre-Mer » déclare Jean Rose qui ajoute «… Mais Paris ne s’est pas fait en un jour ».
Apparemment une telle position ne signifie pas un refus de principe de l’émancipation des Africains. En fait, elle cache tous les refus exprimés par les colons depuis la mise en oeuvre des réformes du système colonial :
- préservation des intérêts des colons par eux-mêmes dans les colonies
- exclusion de toute représentation africaine dans les assemblées métropolitaines
- réduction de la portée de la loi sur le travail forcé “afin de protéger la production”
- abrogation de la loi sur l’octroi de la citoyenneté française, etc.
Ainsi, se trouvaient non seulement contestés les espoirs soulevés en 1944 et 1945, mais surtout il s’agissait de remettre en cause les acquis de deux ans de luttes parlementaires. Les craintes des masses africaines se font d’autant plus précises que, notamment à propos du travail forcé, l’annonce du vote de la loi ne s’accompagne pas immédiatement des décrets d’application. Pour les colons et l’Administration, la loi est votée mais elle n’est pas encore applicable.
Pour les Africains, particulièrement l’immense peuple des campagnes, la distinction entre « loi » et « décret d’application » n’existe pas. Qui faut-il croire ? le député ou le commandant ? On prend donc le parti de s’enfuir des plantations européennes et des chantiers administratifs plus massivement qu’autrefois. Les craintes des masses africaines sont encore plus grandes lorsque la rumeur court d’une abrogation de toutes les lois favorables à la faveur du rejet du premier projet constitutionnel.
Ainsi, à la fin d’aoûåt 1946, les uns sont passés de la peur et de la colère à l’espoir d’un rétablissement, presque terme à terme, du système colonial d’avant 1944. Ce sont les tenants du “parti colonial” pur et dur. Les autres sont passés de l’euphorie et de l’espoir de connaître moins de peines et de misère à la crainte d’un retour au régime abhorré des années 1940-1943. Ce sont les colonisés africains, leurs représentants et même certains de leurs alliés métropolitains.
Le troisième trimestre de l’année 1946 est bien le temps des incertitudes. Et pourtant, au Parlement, les six premiers mois avaient été exaltants malgré certains échecs.
Notes
. Toutes les citations sont tirées du dossier constitué par la Documentation française sur La Conférence de Brazzaville.
. Cf. J.R. de Benoist. L’Afrique Occidentale Française de 1944 à 1968. Nouvelles Editions Africaines, 1982. p. 32
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