La chute de Modibo Keita
Bintou Sanankoua
La chute de Modibo Keita
Coll. Afrique Contemporaine, dirigée par Ibrahima Baba Kaké
Paris. Editions Chaka. 1990. 196 p.
Introduction
La République du Mali est l’ancienne colonie française du Soudan Français. Le Soudan Français est une création et une appellation coloniale même si le terme de Soudan est très ancien. Les Arabes désignaient le « pays des Noirs » par « Bilad es-Soudan». Il correspond au Soudan Occidental et s’étendait au Sud du Sahara, depuis la mer Rouge jusqu’à l’océan Atlantique. Les frontières du « Bilad es-Soudan» et du Soudan Français ne correspondent pas.
La conquête du Soudan par les Français n’a été ni facile ni rapide. Commencée avec l’occupation du Khasso en 1855, elle se poursuit jusqu’en 1908, année de l’arrestation du Hogon (chef dogon) de Pessema en pays dogon.
L’organisation. de la colonie du Soudan est aussi malaisée pour les Français que sa conquête. Témoins, les multiples décrets qui reprennent à chaque fois les découpages de frontières et la dénomination de la colonie, et les formes variées de remise en cause de l’ordre français — désobéissance civile, faux renseignements, passivité, etc.
Le Soudan, appelé à l’époque le Haut-Fleuve, relevait directement du gouverneur du Sénégal. A partir de la création du poste de Kita en 188 1, son commandement est confié à un officier supérieur relevant du gouverneur du Sénégal.
- 1890. Il y a un commandement supérieur du Soudan Français.
- 1892. Le Soudan Français est érigé en colonie autonome relevant directement de la métropole et commandé par un gouverneur. Archinard fut le premier gouverneur du Soudan Français (1892-1893). Albert Crodet fut le premier gouverneur civil du Soudan de 1893 à 1895. Il sera vivement combattu par les militaires. Le Soudan était devenu pour les militaires français un terrain de chasse aux galons. Crodet leur impose de rester dans les casernes et de ne prendre aucune initiative de « conquête ». Les militaires lui feront porterla responsabilité du désastre de Takubao.
- Le décret du 16 juin 1895 institue le gouvernement général [de l’Afrique Occidentale Française (AOF).] et le gouverneur du Soudan devient le lieutenant-gouverneur placé sous l’autorité du gouverneur général. Le colonel de Trentinian fut le premier lieutenant-gouverneur du Soudan en 1895.
- Le décret du 17 octobre 1899 réorganisant l’AOF supprime la colonie du Soudan Français, elle s’appelle désormais le Haut-Sénégal Moyen-Niger et est amputée de la zone sud du Soudan répartie entre la Guinée Française, la Côte d’Ivoire et le Dahomey. Le Haut-Sénégal Moyen-Niger est rattaché à la colonie du Sénégal avec un délégué résidant à Kayes, chargé de l’administration.
- Le décret du 1er octobre 1902 transforme le Haut-Sénégal Moyen-Niger en Territoire de la Sénégambie et du Niger placé sous l’autorité d’un gouverneur général distinct de celui du Sénégal. La nouvelle colonie correspond à peu près à l’ancien Soudan Français moins les cercles réunis aux colonies côtières.
- Le décret du 18 octobre 1904 transforme le territoire de la Sénégambie et du Niger en colonie du Haut-Sénégal et du Niger placée sous l’autorité d’un lieutenant-gouverneur dont dépendaient les commandants des territoires militaires. C’est Clozel, le successeur de Ponty à la tête de la colonie qui transfère le chef-lieu de Kayes à Koulouba en mai 1908. Le chemin de fer est arrivé à Bamako en 1904.
- Le Haut-Sénégal et Niger redeviennent le Soudan Français le 4 décembre 1920. Il conservera ce nom jusqu’en 1960, date d’accession du Soudan à l’indépendance.
- Le 24 novembre 1958, la colonie avait été proclamée République du Soudan.
- Le 22 septembre 1960, la République du Mali est proclamée à l’issue de l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali.
La Fédération du Mali, qui comprenait le Soudan et le Sénégal — après la défection du Dahomey et de la Haute-Volta — avait accédé à l’indépendance le 20 juin 1960. Mais elle éclate dans la nuit du 19 au 20 août 1960. La Fédération du Mali n’a pas résisté aux difficultés qui ont entouré sa naissance, aux divergences dans la conception même de l’Etat fédéral et du socialisme entre Soudanais et Sénégalais, aux oppositions de personnes entre Léopold Sédar Senghor, le président de la Fédération, un intellectuel nourri à la culture et à l’humanisme français et Modibo Keïta, instituteur resté proche des valeurs et des traditions africaines, homme de principe, intransigeant. A ces raisons il faut ajouter les causes externes, l’action et la pression de tous ceux qui étaient hostiles à la Fédération du Mali.
Après l’éclatement de la Fédération du Mali, les Soudanais rentrent à Bamako et proclament le 22 Septembre 1960 la République du Mali. Modibo Keita, secrétaire général de l’Union Soudanaise R.D.A., — le parti qui mène le Soudan à l’indépendance — devient président de la République. Il doit prendre en compte la volonté farouche de son peuple à vivre libre et indépendant, exprimée de différentes façons pendant toutes les années de domination coloniale et particulièrement à partir de 1946, à travers les luttes politiques.
Le pays dont l’indépendance est proclamée le 22 Septembre 1960 sous le nom de République du Mali, est un vaste pays de plus de 1.200.000 km2 situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest entre l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Sénégal et la Mauritanie. C’est un pays de plateaux et de plaines situé en majeure partie dans la zone soudano-sahélienne. Les plateaux généralement peu élevés — entre 200 et 350 m en moyenne — et gréseux occupent le sud du pays. Les plateaux mandingues, un des plus importants plateaux du pays, atteignent 600 à 800 m dans leurs parties élevées. Ils sont formés d’une succession de plateaux séparés par des bassins et des plaines et sont découpés en buttes tabulaires entre Bafoulabé et Kayes. Ils se terminent à l’Ouest par la falaise de Tambaoura qui domine la plaine de la Falémé et se prolongent vers le Nord par les hauteurs du Kaarta.
Les reliefs tabulaires de Sikasso prolongent le plateau de Banfora au Mali tandis que le plateau de Bandiagara s’étend de Koutiala à Bandiagara sur une largeur de 25 à 80 km. Le chapelet de grandes buttes tabulaires qui s’égrènent dans le Sud-Est culmine à 1.155m (point culminant du Mali) dans les buttes de Hombori qui dominent l’immense plaine du Gourma. Dans le Nord-Est du pays, l’Adrar des Ifoghas, apophyse des massifs cristallins du Hoggar, culmine à 890 m dans l’Essali.
Les plaines occupent la majeure partie de la zone soudano-sahélienne. Dans l’Ouest, elles s’étirent le long de la Falémé entre Kayes et Yélimané. Celles du Sénégal et de la Kolimbiné s’étendent jusqu’à l’Est des hauteurs du Kaarta entre Nioro du Sahel et Nara. Les plaines les plus impressionnantes du pays sont celles alluviales du Niger et du Bani connues sous le nom de delta intérieur et celles du Gourma, à l’intérieur de la Boucle du Niger, qui se prolongent vers le Sud-Ouest par la plaine sableuse du Gondo-Séno.Les bas plateaux et les plaines de la partie désertique du pays — le Nord sont recouverts de grands ergs, erg de l’Azaouad et des Erigoit constitués de grands cordons longitudinaux, erg de Mreyyé constitué de cordons transversaux.
Entièrement situé dans la zone tropicale entre 11° N et 25° N en latitude, le Mali, du fait de sa continentalité et de l’influence des vents dominants (harmattan) connaît toutes les nuances du climat soudano-sahélien. Le climat est désertique dans la zone saharienne du Nord où il peut ne pas tomber une goutte d’eau toute l’année. Le climat tropical, humide dans le Sud du pays où les précipitations moyennes atteignent au moins 1300 mm d’eau par an, s’assèchent dans le reste du pays pour tomber jusqu’à moins de 200 mm d’eau par an dans la région de Nioro.
L’essentiel du réseau hydrographique est constitué par le bassin des deux plus grands fleuves Ouest-africains et leurs affluents, le Sénégal (Haut-Sénégal dans la partie malienne) sur la moitié de son cours et le Djohba (Niger-Niger moyen au Mali) sur 1.700 km drainant un bassin de 1.500.000 km2.
Carrefour de civilisation et point de contact entre les peuples de race blanche et noire, le Mali est peuplé seulement de 7.620.000 habitants inégalement répartis sur l’ensemble du territoire. Les densités de peuplement, faibles dans les régions en partie ou totalement désertiques, le Centre et le Nord du pays, (0,5 habitants au km2) se situent autour de 13 habitants au km2 dans la région de Sikasso et 17,5 habitants au km2 dans celles de Ségou, deux grandes zones agricoles du pays. Plus de 55% de la population malienne a moins de vingt ans, ce qui pose d’importants problèmes de scolarisation et de perspectives de développement. Elle se répartit entre plusieurs ethnies. Les Banmanan représentent plus de 30% de la population. S’il y a de fortes concentrations banmanan autour de Ségou et de Bougouni, on les retrouve dispersés sur l’ensemble du territoire dans de petites principautés et agglomérations à côté d’autres ethnies. Les Malinkés sont localisés dans le Sud-Ouest du pays entre la frontière guinéenne et Bamako, les Sarakolés dans la vallée du Sénégal et le Nord-Ouest du pays, les Foulbés, fortement concentrés dans le Massina, le Kounari mais dispersés dans tout le pays, les Songhais dans la Boucle du Niger, les Habbés (Dogon) dans les falaises de Bandiagara, les Bozos et les Somonos tout au long de la vallée du Niger moyen, les Touareg dans le Nord, les Miniankas et les Bobos dans le Sud et le Sud-Est. L’ethnie et la langue banmanan dominent.
La grande majorité de la population malienne vit encore dans les campagnes malgré l’importance de l’exode rural depuis la sécheresse de 1973. Le taux d’urbanisation du Mali est de 17,77%. Les villes maliennes sont des villes de moins 100.000 habitants même si elles connaissent aujourd’hui un taux d’accroissement accéléré du fait des effets conjugués de la sécheresse et de la crise économique. Les capitales régionales [sont] :
- Kayes, 1ère région : 44.736 habitants
- Koulikoro, 2è région : 20.354 habitants
- Sikasso, 3è région : 73.050 habitants
- Ségou, 4è région : 88.877 habitants
- Mopti, 5è région : 73.939 habitants
- Tombouctou, 6è région : 31.925 habitants
- Gao, 7è région : 54.874 habitants
[Elles] connaissent de nombreux problèmes d’urbanisation. Même Bamako la capitale, la seule ville de plus de 100.000 habitants du pays, 646.163 habitants, fait aujourd’hui figure de ville malade avec ses rues crevassées et sales, ses maisons en ruines et ses fossés nauséabonds.
Pourtant, le village créé à la fin du XVIIIè siècle début XIXè siècle par le chasseur Bamba, qui deviendra par la suite Bamako était bien parti pour un bel avenir. Sa situation privilégiée aux portes du Manden sur le Niger, au cœur de la savane soudanienne, au point de rencontre de l’or du Bouré et de la cola du Worodougou, en avait fait rapidement une place commerciale fréquentée par les caravaniers porteurs de sel de Taoudénit, les marchands de chevaux et de bétail du Bagana et convoitée par toutes les hégémonies du Soudan des XVIIIè et XIXè siècles,
L’explorateur écossais Mungo Park, qui visite Bamako à la fin du XVIllè siècle, rend bien compte du dynamisme économique de cette ville-carrefour. A cette époque, Bamako était également un village de cultivateurs, producteurs de céréales. Les agriculteurs Nyaré, les maitres de la ville, vivaient en bonne intelligence avec des commerçants maures Touré et Dravé.
Bamako était perçu par les stratèges français de la conquête du Soudan comme un point d’ancrage sur le fleuve Niger, d’autant plus convoité qu’il avait l’avantage de n’appartenir à aucune des puissances africaines de la région, l’Etat futanke d’Ahmadou Shekou et l’Etat malinké de Samory. De plus, l’occupation de Bamako permettrait aux Français, de par la position de la ville, de bloquer l’empereur du Wassoulou (Samory, qui leur tenait tête et défiait leur autorité) dans sa progression vers le Nord. C’est pourquoi le commandant supérieur du Haut-fleuve, Borgnis-Desbordes, partisan acharné de la conquête du Soudan, se lance dans la conquête de Bamako après la prise de Kita en 1881 malgré l’interdiction formelle de ses supérieurs de ne pas dépasser Kita. Il affronte les troupes samoriennes conduites par son frère et général Kèmè Birama qui stationnaient dans les environs de la ville et l’occupe le ler Février 1883. Borgnis-Desbordes signe un traité avec Titi Nyaré et construit le fort de Bamako. L’allure et le destin de la ville vont changer. La construction du fort assure la sécurité dans la ville située dans une zone troublée par les guerres, favorisant ainsi son essor démographique. Bamako se mue rapidement en véritable ville coloniale. Sa population évaluée entre 600 et 800 habitants en 1883 passe à 2.500 habitants en 1884 et à 8.000 habitants en 1908. Entre 1903 et 1908, une nouvelle ville aux fonctions administratives est créée sur la colline de Koulouba et un hôpital sur celle du Point G. Au mois de Mai 1908, le chef-lieu de la colonie civile du Soudan est transféré de Kayes à Bamako. Clozel est le premier gouverneur à résider dans la nouvelle capitale.
L’accroissement du nombre de colons qui viennent dans la nouvelle capitale va provoquer le déplacement des vieux quartiers. Nyaréla qui englobait le bois sacré et Twatila vers le Nord-Est deviennent l’actuel Bagadadji. Dravéla est déplacé vers l’Ouest. Seul Bozola garde son emplacement d’origine. De nouveaux quartiers sont construits, Médina-Coura et Darsalam. Les quartiers de Sofabougou (au niveau de l’actuel grand Hôtel) et Kolokotobougou (au niveau de l’actuel Ministère des Travaux Publics) sont détruits. Un centre commercial européen et un centre administratif sont construits sur l’espace ainsi dégagé. En 1922, Bamako avait huit quartiers africains : Bozola, Nyaréla, Dravéla, Bamako-Coura, Darsalam, Bagadadji, Ouolofobougou et Bolibana.
Après la 2è guerre mondiale, Bamako connaîtra un nouvel essor sous l’impulsion du lieutenant-gouverneur Louveau (1946-1952). Il entreprend de grands travaux d’aménagement qui feront de la ville une capitale digne de ce nom. Elle est dotée d’une infrastructure médicale (Institut d’Ophtalmologie Tropicale à vocation régionale, Hôpital Gabriel Touré, dispensaire anti-tuberculeux) et scolaire, Lycée Terrasson de Fougères, Lycée de Jeunes Filles, Collège des Pères blancs, l’Ecole des artisans, l’Ecole des Travaux Publics etc. En 1953, Bamako avait 64.823 habitants et paraissait réellement comme une ville.
En 1960, Bamako devient la capitale de la nouvelle République du Mali. Ses nouvelles fonctions liées à cette situation et l’attrait que la capitale exerce sur reste du pays vont accélérer encore l’accroissement démographique de la ville. Or les équipements et la mise en place des infrastructures urbaines ne suivent pas, ce qui explique en partie l’aspect actuel de la ville.
Sur le plan religieux, toutes les religions, l’islam, le christianisme et l’animisme cohabitent harmonieusement sur cette vielle terre de tolérance qu’est le Mali. L’islam est de loin la religion dominante. Mais aujourd’hui, le Mali apparaît de plus en plus comme un Etat musulman, même si l’Etat continue à affirmer sa laïcité. Il est membre de la Conférence islamique et de toutes les organisations affiliées. Le courant intégriste devient de plus en plus puissant même s’il n’y a pas de parti intégriste à proprement parler.
Depuis 1983, les boîtes de nuit et les bars sont obligés de fermer pendant toute la durée du mois de Ramadan. Le mouvement wahhabîte qui était minoritaire dans le pays jusqu’au coup d’Etat devient de plus en plus important. La solidarité arabo-africaine se traduit pour le Mali par une pluie de pétrodollars qui s’investit dans la construction de mosquées, de médersa et de centres islamiques qui modifient le paysage de Bamako. L’Etat essaie de contrôler tout cela en suscitant la création de l’Association Malienne pour l’Unité et le Progrès de l’Islam (AMUPI) en 1980, une association chargée de prendre en main toutes les questions relatives à l’islam dans le pays.
Sur le plan économique, le Mali est un pays à vocation agro-pastorale. L’agriculture occupe près de 90% de la population active mais elle assure moins de la moitié de la production intérieure brute. Elle se caractérise par la faiblesse des moyens techniques et la faible productivité. Elle est essentiellement basée sur les cultures vivrières céréalières, mil et sorgho dans les pays du-Niger de Bamako à Mopti, dans les régions méridionales et le pays mandingue entre Kita et Bafoulabé. Le riz est cultivé dans le Delta intérieur du Niger, dans tout le long de la vallée intérieure, dans les cuvettes ou fonds de marigot et creux inondables du Sud. C’est seulement dans l’Office du Niger où la culture du riz est intensive et mécanisée que le riz donne de bons rendements. La production nationale de riz paddy se situe autour de 200.000 tonnes par an. Le maïs qui constitue une céréale d’appoint est également cultivé dans de nombreux jardins de cases. Le fonio cultivé sur les terres épuisées et récolté très tôt assure la soudure ainsi que les cultures vivrières secondaires comme les tubercules et légumineuses et les légumes cultivés dans les jardins.
Les cultures industrielles bénéficient d’un meilleur encadrement technique. Elles portent sur l’arachide qui se développe dans de nouvelles régions, cercles de Kita, de Kolokani, Bafoulabé et Ségou. L’arachide représente 14% de la valeur des exportations. Le coton bénéficie du meilleur encadrement avec la Compagnie Malienne de Développement des Textiles (C.M.D.T.). L’arachide et le coton sont cultivés de pair ou en alternance avec le mil et sorgho. Le coton représente 57% de la valeur des exportations. La canne à sucre est en culture intensive à l’Office du Niger à Dougabougou et Siribala. La production ne couvre pas les besoins nationaux. Le thé est cultivé dans la région de Sikasso à Farako, le tabac dans la Haute Vallée et le dah dans la zone CMDT. Malgré cette diversification, l’agriculture ne couvre pas les besoins nationaux. Les cultures céréalières n’assurent pas encore l’autosuffisance alimentaire escomptée et les cultures industrielles ne permettent pas aux industries de tourner à plein rendement.
L’élevage est un secteur important de l’économie malienne, il représente 20% de la production intérieure brute et près de la moitié de la valeur des exportations. C’est un élevage extensif portant essentiellement sur les bovins, caprins, ovins et pratiqué par les pasteurs nomades sahariens, les Touaregs et les Maures et Peuls. Ils vivent de part et d’autre de la Boucle du Niger. Pendant l’hivernage, ils vont dans le Gourma et dans le Nord-Est. Pendant la saison sèche, ils se rapprochent des points d’eau permanents en attendant la décrue qui leur ouvrira des pâturages. L’élevage est parfois associé à l’agriculture, aux cultures sèches dans les secteurs où la pluviométrie annuelle est supérieure à 300-350 mm. Les bergers conduisent les troupeaux loin des terres cultivables pendant les cultures et les y ramènent après la récolte. Dans les zones inondées du Delta du Niger et les régions occidentales drainées par les affluents du Sénégal, l’élevage est associé aux cultures de crues et de décrues.
La pêche pratiquée par les Bozos et Somonos est une activité traditionnellement importante. Elle représente 3% du produit national brut. Elle est saisonnière et se pratique pendant la décrue, ce qui oblige les pêcheurs à suivre les migrations de poissons le long du fleuve. Les pratiques sont encore artisanales malgré les efforts de l’Opération Pêche qui tente de vulgariser auprès des pêcheurs les moyens d’augmenter leur capture et d7améliorer la qualité de leur production.
La sécheresse endémique, qui s’est installée au Mali depuis 1973, compromet sérieusement la vocation agricole et pastorale du pays. Elle a déjà provoqué un important mouvement migratoire qui a pratiquement vidé les campagnes. Ce mouvement s’étend aujourd’hui à des populations de plus en plus jeunes des deux sexes. Les différentes opérations de développement initiées pour encadrer le monde paysan et dynamiser la production, ODIPAC, Opération HauteVallée, Mali-Sud, Opération Mil, Opération Riz, Opération Pêche, Opération pour le Développement de l’Elevage au Mali (ODEM), et sur financement extérieur n’ont réussi ni à conjurer les effets néfastes de la sécheresse ni à assurer la sécurité alimentaire des populations. Elles se sont, dans la plupart des cas, soldées par un échec faute de n’avoir pas suffisamment pris en compte ni le milieu ni la mentalité des populations qu’elles assistaient.
L’industrialisation est encore très faible au Mali. Elle porte essentiellement sur l’exploitation des ressources minières et la transformation des produits agricoles.
En 1960, Modibo Keïta et son équipe avaient engagé le Mali dans la voie de la construction du socialisme. Ce choix privilégiait le développement du secteur d’Etat pour l’industrialisation du pays. A la suite de mauvaise gestion, et de difficultés conjoncturelles, elles n’ont pas pu provoquer un véritable démarrage industriel. Signalons néanmoins l’existence de quelques industries extractives, des salines de Taoudénit, des phosphates du Tilemsi, de l’or de Kalana, du ciment de Diamou. Le sous-sol malien est riche de ressources minières non encore exploitées. Il y a des industries mécaniques, montage de cycle et de machines agricoles, industries textiles à Bamako (I-TEMA) et à Ségou (COMATEX), huilerie à Koulikoro (HUICOMA) et à Kita (SEPAMA), fabrique de cigarettes à Bamako, sucrerie à Dougabougou et Siribala. L’industrie malienne est dominée par les industries alimentaires, biscuiterie, pâtes alimentaires, laiterie, confiserie, usine de jus de fruit, etc.
Le Mali est un pays millénaire. Il a servi de cadre aux prestigieux empires du Moyen-âge qui avaient brillé sur tout le Soudan Occidental, il est donc héritier d’un passé glorieux. Modibo Keita et ses compagnons, qui ont dégagé le pays de la tutelle coloniale française vont essayer de prendre en compte ce passé prestigieux et hisser le Mali au rang des nations socialistes. Les événements du 19 Novembre 1968 proprouvent qu’ils n’y ont pas réussi. Nous essayerons de voir pourquoi.
Le 19 novembre 1968, Modibo Keïta et son régime sont renversés par un coup d’Etat militaire. Un coup d’Etat de plus en Afrique Noire, le dix-septième depuis les indépendances. Le premier survient six ans auparavant au Togo. En effet, le 13 janvier 1963, l’armée togolaise sort des casernes et renverse les civils qui ont conduit le pays à l’indépendance. Sylvanus Olympio, le premier président du Togo indépendant meurt assassiné. Les mutins, comme surpris ou effrayés par leur propre exploit, remettent le pouvoir à un autre civil, Nicolas Grunitzky.
Le deuxième coup d’Etat militaire se produit quelques mois plus tard dans un pays voisin du Togo, le Dahomey (Bénin actuel). Le 28 octobre 1963, les militaires dahoméens renversent le président Hubert Maga et remettent le pouvoir aux civils. Le troisième coup d’Etat militaire survient au Gabon. Mais peuton vraiment parler de coup d’Etat dans le cas gabonais ? Le président Léon M’Ba est bien renversé par son armée en 1964, mais il est rétabli dans ses fonctions de chef dEtat quelques jours plus tard par des parachutistes français.
Est-ce l’alerte pour les putchistes africains ? En tous cas les autres coups d’Etat qui suivent ne ressemblent plus aux précédents. Jusqu’ici, les militaires se contentaient de sortir des casernes, de renverser les régimes démocratiquement mis en place et de remettre le pouvoir ainsi confisqué à d’autres civils. Ils se posent enarbitres et en censeurs avec droit d’éliminer par la force les élus du peuple quand ils n’approuvent plus leur façon de faire. Mais, en remettant tout de suite le pouvoir confisqué à d’autres civils, (même sans consultation populaire préalable) les militaires africains leur reconnaissent, au moins implicitement, la légitimité de l’exercice du pouvoir politique.
A partir du coup du Gabon, ils changent leur façon de faire. A quoi bon renverser des civils si c’est pour les remplacer par d’autres civils (même si ces derniers ne sortent pas des urnes) ? Désormais, en intervenant dans la vie publique et en renversant les régimes légaux en place, les militaires conservent le pouvoir et s’installent aux commandes de l’Etat. Ainsi, ils ajoutent à leur fonction traditionnelle de défense du territoire national, ou d’agents de développement dans laquelle certains régimes civils les cantonnent, celle de gestionnaires d’Etat.
Le 25 novembre 1965, le général Mobutu renverse le président Kasavubu et devient chef de l’Etat du Congo Kinshasa (actuel Zaïre). Les militaires togolais et dahoméens qui inaugurent l’ère des coups d’Etat militaires se mettent rapidement à jour en renver sant les civils qu’ils ont portés au pouvoir et en s’ins tallant aux commandes de l’Etat. Le 1er janvier 1966 le colonel Bokassa renverse et remplace le présiden David Dacko à la tête de l’Etat centrafricain. Quel ques jours plus tard, le 4 janvier 1966, le colonel San goulé Lamizana, appelé par les travailleurs voltaïques, remplace le président Maurice Yaméogo à la tête de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso). Le phénomène ne s’arrête plus. Partout en Afrique, au Nigéria, au Ghana, en Sierra-Léone ou au Congo Brazzaville, des coups d’Etat militaires écartent du pouvoir les politiciens qui ont lutté et vaincu le systènie colonial, ou d’autres installés au pouvoir par coup d’Etat. Dans certains cas les putchistes ne sont même pas des officiers supérieurs. Au Burundi, c’est le capitaine Micombero qui renverse le roi N’Taré V le 28 novembre 1966. En Sierra-Leone c’est une junte de sous-officiers qui renverse le lieutenant-colonel Juxen-Smith, le 18 avrill 1968. Au Congo Brazzaville, c’est un capitaine, Alfred Raoul qui succède à Massemba Débat. Les armées africaines ne sont pas à l’abri des bouleversements qui secouent le continent. Les officiers bousculent la hiérarchie militaire et ne laissent plus aux seuls officiers supérieurs l’initiative des coups d’Etat. Les putschistes africains cherchent ensuite la légitimité en créant et en imposant un parti politique et en organisant des « élections » qui leur permettent de se maintenir au pouvoir.
Au Mali, le 19 novembre 1968, c’est un groupe d’officiers subalternes qui renversent à la surprise générale le président Modibo Keïta.
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